La reconstruction

En 1918, l'Aisne était le plus touché de tous les départements dévastés. A cause entre autres de la proximité du Chemin des Dames, notre village se retrouvait, comme bien d’autres, cruellement meurtri. Aux pertes militaires et civiles, aux souffrances de l’évacuation de la population s’ajoutait la destruction : de 1914 à 1918, 125 immeubles ont été totalement détruits et 70 en partie endommagés, et nombreux furent ceux qui, à leur retour, trouvèrent leur maison éventrée ou en ruines.

Il fallait reconstruire.
« L’Allemagne paiera », s’était exclamé le Ministre Klotz ! Certes ! Elle avait été jugée responsable de la guerre par le Traité de Versailles du 28 juin 1919. Finalement elle ne versera qu’une dizaine de millions de Marks-or sur les 132 millions demandés… Mais le principe des dommages de guerre étant acquis dès le 17 avril 1919 par la Loi des Réparations et Dommages de Guerre, leur gestion fut contrôlée par les préfets. L’un des premiers soucis de la Commune fut le déblaiement des rues, confié au STU (Service des Travaux de première Urgence), mis en place par le Ministère des Régions Libérées, dont la mission était la remise en état du sol, le déblaiement des matériaux et projectiles ainsi que la réparation sommaire des maisons avec des matériaux de récupération pour les rendre habitables. C’est à cette date qu’apparaissent les toits de toile goudronnée ou couverts de tôles ainsi que le papier huilé aux fenêtres.
Pour faire face à la pénurie de logements et accueillir les familles évacuées à leur retour, la Commune facilita la construction de baraques en bois et elle revendra celles qu’elle possédait aux occupants en 1929 moyennant la somme de 300 francs.
 

Une équipe des TPU à l’ouvrage, rue Porte de Laon

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Les Coopératives de reconstruction

Parallèlement s’organisait la reconstruction des immeubles détruits. Le Ministre Albert Lebrun avait confirmé son intention de « favoriser l’extension du principe de coopération dans le domaine des immeubles détruits », en arguant que les travaux faits par l’organe de sociétés coopératives sont en général mieux faits et à meilleur compte et qu’ils procurent de ce fait un avantage à l’Etat en même temps qu’aux sinistrés par l’économie des frais. Dès le mois de septembre 1919, l’Aisne comptait 73 coopératives et 393 en 1920 pour 660 communes.
Le 17 juillet 1919, les 292 sinistrés particuliers de Bruyères, Chérêt, Martigny, Parfondru et Monthenault  se réunirent pour former une coopérative dont le siège était à Bruyères sous la présidence de M. Ghidossi auquel succédèrent M. Pouillart, Maire de Bruyères et le Docteur Devauchelle. Le montant des dommages dépassait 6 millions de francs valeur 1914. Les travaux commencèrent immédiatement sous la surveillance des architectes Lhotellier et Muller et furent exécutés par les entreprises Rey, Bertin, Prinville et Gouverneur.
Après avoir pris connaissance des statuts, le Conseil Municipal décida d’y adhérer dans sa séance du 31 août 1919 et de lui confier la réfection des immeubles communaux nommés ci-dessous. Pour activer les travaux, les Communes de Martigny, Chérêt et Monthenault et leur 96 adhérents décidèrent de se séparer  et de créer une nouvelle coopérative en 1925.



Inventaire des biens communaux endommagés
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De son côté, la vie Communale reprend ses droits et la municipalité ses initiatives. De nombreux commerces reprennent leurs activités.
 La Caisse d’Epargne est rouverte.  En 1920, la Poste qui se trouvait Rue de Vorges devant l’étude du Notaire Maître Carcelle est transplantée au carrefour de la Route de Laon et de la Route de Vorges. Pour améliorer la circulation, la municipalité adopte un plan d’alignement qui vise à détruire certains immeubles pour élargir la Rue principale entre la Mairie et l’église et fait démolir le pilier est de la porte de Laon en 1928. Parallèlement, alors que certaines maisons sont remises en état, les particuliers font bâtir de belles maisons bourgeoises, souvent avec de la brique et même déjà du béton, et qui ont toujours fière allure.
 En matière d’urbanisme, la Municipalité se lance dans un vaste et ambitieux programme pour améliorer le confort des habitants, allant de la distribution en eau potable aux particuliers avec installation de compteurs individuels dès 1923,  à l’électrification des foyers en passant par la l’éclairage des rues au gaz, la création d’un réseau de tout à l’égout et l’étude de liaisons de transport en bus de Bruyères à Saint-Erme et de Laon à Fismes.
 En ce qui concerne les affaires scolaires, la Commune est déjà sollicitée en 1924 pour un rattachement avec l’école de Chérêt. En 1921 elle rachète la propriété Lefevre pour y aménager le groupe scolaire que nous connaissons aujourd’hui. Elle revend les anciens locaux scolaires, désaffecte la classe enfantine pour en faire une salle des fêtes, et décide de récompenser les lauréats au certificat d’études par l’ouverture d’un livret de caisse d’épargne à 10 F.
 Une garderie des enfants est mise en place en 1926, ainsi que des cours du soir pour adultes et une caisse des écoles est créée en 1927
 Le nouveau groupe scolaire sera inauguré le 15 juillet 1928.
 La Commune encourage également la reprise de la vie associative qui était déjà dense avant la guerre. Elle achète des tuniques et une moto pompe aux sapeurs pompiers, loue le terrain du Jeu de Paume à la société de boules en 1924, loue ses terrains à la société de chasse en 1931, vote les crédits nécessaires à la construction du monument aux morts qui sera inauguré le 14 octobre 1923. Les membres de la Bruyéroise sont dotés de nouveaux  instruments de musique.

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 Inauguration du Monument aux Morts
L’église n’est pas oubliée. La Commune achète un harmonium et des chaises en 1927 et fait remplacer les 3 cloches qui seront baptisées le 14 septembre 1928.










Baptème des cloches
Quant à la Coopérative de reconstruction, sa mission achevée, elle fut dissoute le 12 décembre 1933.
Les Bruyérois reprennent ainsi petit à petit le goût de vivre.
Ainsi grâce au dynamisme de ses élus, Bruyères s’est tourné vers le monde moderne. La population qui comptait 946 habitants en 1911, 675 en 1921 était remontée à 873 en 1926.
Ainsi petit à petit, Bruyères pansait ses plaies.  La commune  retrouvait sa vitalité d’avant guerre, son dynamisme et sa joie de vivre avant la montée d’autres périls…

F. Szychowski